Préconisations fongicides blé et orge

Evolutions réglementaires fongicides :
Propiconazole : interdiction de mélange avec tout autre produit y compris les adjuvants (H360D) pour la campagne 2019 qui sera la dernière campagne d’utilisation. (Avoca Premium, Bravo Premium, Cherokee, Meltop 500…).
Cyproconazole : phrase de risque H360D qui interdit les mélanges avec tout autre produit, adjuvant compris. (Cherokee, Citadelle…)
Epoxiconazole : arrêt de ventes fin mai 2019 et dernière utilisation septembre 2019 (Rubric, Opus New, Adexar, Voxan, Ceriax, Osiris Win, Ceando, Bell Star, Abacus…)
Sur blés
Quand faut-il traiter ?
Les observations réalisées dans le cadre du réseau régional de surveillance qui permettent d’alimenter le bulletin de santé du végétal sont une bonne indication de l’état des cultures et des risques du moment sur nos secteurs. En outre l’utilisation de modèle par le BSV permet d’évaluer un risque à venir. Il est donc intéressant de s’appuyer sur ces informations au moment des périodes de nuisibilités des cultures.
Ces éléments doivent bien entendus être validés par l’observation de vos parcelles qui est primordiale avant toute décision d’intervention.
Dans tous les cas la première recommandation est de veiller à limiter la pression parasitaire en choisissant des variétés peu sensibles aux maladies. Sur blé tendre les sensibilités vis-à-vis de la septoriose, de la rouille brune et de la rouille jaune seront les principales à prendre en compte. Sur blé dur la sensibilité des variétés à la fusariose des épis sera également à prendre en compte.
Pour le piétin verse le traitement doit être spécifique. Inutile d’attendre le stade 2 nœuds en espérant traiter le piétin verse et la septoriose. Il sera trop tard pour le piétin verse et le(s) produit(s) utilisés ne seront adaptés qu’à l’une ou l’autre maladie.
Le créneau optimum pour le piétin verse est entre épi 1 cm et 1 nœud. Les produits qui peuvent être envisagé en cas de risque avéré de piétin verse seront ceux à base de métrafénone ou de cyprodinil.
Le risque piétin est étroitement lié aux conditions climatiques et aux caractéristiques agronomiques de la parcelle : résidus pailleux en surface, type de sol, date de semis. Pour évaluer le risque Arvalis met à disposition une grille agronomique : https://www.arvalis-infos.fr/ble-tendre-un-fort-risque-de-pietin-verse-cette-annee-@/view-27121-arvarticle.html
Pour les maladies du feuillage il faut être vigilant à partir du stade 2 nœuds. Si, à ce stade, 25% des F4 définitives sont atteintes sur variétés sensibles et 50 % sur les peu sensibles et qu’il y a eu une pluie significative dans les 8 derniers jours (8-10 mm), le seuil de traitement est considéré atteint. Dans ce cas un traitement est envisageable à dose réduite de 20 à 25 % du traitement prévu pour une présence significative de maladies.
Si le seuil n’est pas atteint il est préférable d’attendre. Pour les variétés peu sensibles et sur les situations à risque septoriose modéré, ainsi que sur les potentiels limités, on pourra éviter le premier traitement et se focaliser sur le T2 dernière feuille étalée (DFE).
Quel investissement fongicide faut-il prévoir en 2019 ?
Il est difficile de prévoir, à l’heure où nous rédigeons ce bulletin, ce que nous aurons la saison prochaine en terme de climatologie, de pression maladie et du prix du blé (même si les perspectives actuelles du marché à termes incitent à une certaine prudence sur les coûts à engager). Nous vous rappelons que la construction de vos programmes doit se faire en tenant compte du profil maladie de la variété et de la situation agronomique (type de sol, précédent, technique culturale…)
En fonction de la variété choisie, la nuisibilité aux maladies foliaire mesurée peut aller du simple au double. Pour une variété peu sensible la nuisibilité moyenne est 7.5 qx/ha alors que pour une variété très sensible la nuisibilité s’élève en moyenne à 18 qx/ha.
En 2018, sur blé tendre, la dépense fongicide moyenne s’élevait à 70 €/ha traité. Coût qui est quasi semblable à 2017 et légèrement inférieures aux années 2016,2015 et 2014 (>80€/ha).
Arvalis propose un tableau de repères qui permet d’estimer la dépense à envisager en fonction de la pression maladie observée, de la sensibilité de la variété et du prix de blé (difficilement prévisible mais parfois contractualisé).
Pour la Charente, au regard des 5 dernières années, il semble que la pression moyenne soit de 10-15qx/ha.
Avec ces éléments, les programmes pour la campagne 2019 pourront légèrement évoluer à la hausse, le coût nécessaire à prévoir pour la protection fongicide (nuisibilité de 15 qx/ha) serait de 59 €/ha (prix du blé 16 €/q).
Tableau 1 : Dépense fongicide optimale théorique sur blé en fonction de la pression parasitaire attendue et sous 6 hypothèses du prix du quintal (150 essais). (source Arvalis)
Attention ces repères valent pour les pertes occasionnées par les maladies foliaires septoriose et rouille brune. Si d’autres maladies plus secondaires ou occasionnelle, comme le piétin verse ou la fusariose venaient s’y ajouter, la dépense devra intégrer ces risques et évoluer en conséquence.
Quelques recommandations pour piloter la protection fongicide
Traitement en T1 : à partir du stade 2 nœuds
Ce traitement vise en priorité la lutte contre le développement de la septoriose. Avant tout, diversifier les modes d’action et les substances actives : moyen le plus sûr pour ralentir la pression de sélection. Il peut aussi être déclenché en cas de présence de pustules de rouille.
Sur septoriose, les Triazoles sont proposées de préférence associées avec du Prochloraze ou du Chlorothalonil pour renforcer leur efficacité sur septoriose.
Le soufre, pour les spécialités ayant l’homologation sur septoriose, peut aussi être un partenaire des triazoles ou du chlorothalonil en T1. Ce fongicide est sur la liste des produits autorisés en biocontrôle. Il est multisite (comme le chlorothalonil) et présente un risque de résistance limité.
Traitement en T2 :
En complément des triazoles les SDHI et/ou les strobilurines, notamment en vue de renforcer et de contrôler la rouille brune, trouvent naturellement leur place en T2, du stade dernière feuille à épiaison. Elles peuvent, le cas échéant, aussi contrôler Microdochium spp. En cas d’adjonction de Strobilurine la dose proposée est de 50 à 75 g/ ha de strobilurine. Le chlorotalonil sera plutôt réservé au T1 pour respecter son action préventive et maximiser son efficacité.
Traitement en T3 (floraison) :
Pour toutes les situations agronomiques où le risque fusariose est avéré, l’objectif de qualité sanitaire est prioritaire : utiliser une Triazole anti fusariose seul, type prothioconazole, tébuconazole, metconazole, bromuconazole.
Dans tous les cas
- Diversifier les modes d’action, en respectant les règles suivantes :
- Pas plus d’une prochloraze par saison
- Pas plus d’une strobilurine par saison
- Pas plus d’un carboxamide (SDHI)
- Alterner parmi les triazoles au cours de la saison : éviter d’utiliser 2 fois la même matière active.
En pratique : que faire ?
Passage unique : 45 à 60 €/ha
C’est une stratégie à privilégier dans le cas où la pression maladies est faible en début de cycle, il faut alors veiller à exercer une protection suffisante sur les dernières feuilles, il faut donc viser le stade dernière feuille étalée. Il est préférable d’utiliser une Triazole pour son intérêt curatif en mélange avec une Strobilurine qui a un effet plus préventif. Les Sdhi solo peuvent également trouver leur place traitement unique.
Double application : 55 à 70 €/ha
Une double application se justifie si on observe un développement précoce des maladies et sur des parcelles à fort potentiel. Lors du premier passage on modulera les doses pour limiter les coûts. Le deuxième passage se raisonnera en fonction de l’évolution de la maladie et des conditions climatiques.
Application spécifique fusariose
Il reste important de limiter au maximum le cumul des facteurs favorisants. La prise en compte de cette maladie sera comme pour celle du feuillage, fonction des conditions climatiques mais aussi de la sensibilité variétale.
Le potentiel de la parcelle doit nous permettre de savoir si l’on prend en compte l’ensemble des maladies (pieds, feuilles, épis) ou si l’on oriente la protection sur 2 d’entre elles. Les maladies du feuillage restant incontournables. Si la stratégie fusariose épis est prise en compte intervenir à début épiaison.
Ces préconisations ne sont pas des stratégies, et la liste n’est pas exhaustive. Les différents traitements sont indépendants, et l’alternance des matières actives reste indispensable.
Sur Orge
Sur orge d’hiver l’enveloppe de protection fongicide devra être comprise entre 50 et 60 € / ha (pour un prix de l’orge de 17€/q).
Comme pour les blés, le niveau de pression des maladies observées au printemps 2019 et la sensibilité variétale seront à prendre en compte pour adapter les stratégies de traitement et adapter la dose des produits choisis.
Deux maladies sont principalement à surveiller : la rhynchosporiose et l’helminthosporiose. La ramulariose et les grillures polliniques peuvent parfois être présentes en fin de cycle.
Passage unique :
Les variétés plus tolérantes pourront justifier d’un investissement moins important et/ou d’un seul traitement si le niveau de pression maladie le permet. Il sera réalisé à dernière feuille – sortie des barbes afin de protéger la culture contre l’ensemble du complexe des maladies de l’orge.
Pour ce traitement unique, les SDHI ne sont pas indispensables. Des associations prothioconazole + strobilurine (de préférence la pyraclostrobine qui présente les meilleures efficacités sur helminthosporiose) ou des solutions à base de triazole + SDHI, seront à privilégier.
Le chlorothalonil peut être associé au SDHI uniquement dans les situations à forte pression ramulariose et grillures.
Double application :
Les variétés très sensibles sont à surveiller et sont en général protégées par 2 passages.
Dès le stade 1 nœud, la protection peut se justifier s’il y a une arrivée précoce de rynchosporiose, d’helminthosporiose et / ou de rouille naine. Un deuxième passage sera ensuite nécessaire dès la sortie des barbes pour protéger le dernier étage foliaire de toutes les maladies du feuillage.
En T1, les associations à base d’Unix Max / Kayak deviennent les références avec d’excellentes efficacités même à doses réduites.
Le choix des produits placés en T2 dépend de ceux qui auront été positionné en T1 afin d’alterner les matières actives. Pour respecter cette recommandation, en situation de forte pression maladie, il est recommandé de réserver le prothiconazole pour le 2ème traitement et de ne pas l’appliquer en T1. À noter que le propiconazole (présent dans le Meltop 500et le Cherokee) encore présent sur le marché en 2019 ne pourra pas être mélangé avec d'autres produits en raison de son nouveau classement toxicologique.
Pour le 2ème traitement une strobilurine est indispensable associées à une triazole ou à une triazole plus un SDHI.
En présence de pressions grillure et / ou ramulariose, privilégier les solutions à base de chlorotalonil (Bravo Premium), de prothioconazole (Fandango S ou Madison).
Ces préconisations ne sont pas des stratégies, et la liste n’est pas exhaustive. Les différents traitements sont indépendants, et l’alternance des matières actives reste indispensable.
Il faut retenir que les associations de modes d’action améliorent l’efficacité au champ. Il est toujours recommandé une alternance pluriannuelle des modes d’action pour limiter le risque de résistance.
Point sur les régulateurs
En cas de sensibilité à la verse (densité élevée, variété sensible, apport azoté important au tallage), l’intérêt du recours au régulateur se pose. Vérifiez les températures, le stade en fonction du choix du produit.
Source : Arvalis
Evolution réglementaire concernant les régulateurs à base de chlormequat :
Depuis fin 2017, la substance active Chlormequat co-détenue par BASF a été auto reclassée H301 (toxique en cas d’ingestion). BASF a par ailleurs décidé de ne plus commercialiser ses spécialités à base de Chlormequat (Cycocel C5, Cycocel CL200 et Mondium). Les dates de fin de commercialisation et de fin d’utilisation sont respectivement 27/07/2019 et 27/01/2020. C’est donc la dernière campagne pour ces produits. Les autres spécialités à base de chlormequat détenues par d’autres firmes, restent utilisables mais peuvent avoir changé d’usage. Exemple Courtex C3, désormais interdit sur blé dur et triticale. Vérifier si les mélanges sont possibles : www.melanges.arvalisinstitutduvegetal.fr/.
Il faut des conditions d’application optimales pour un résultat satisfaisant.
Pour accroître l’efficacité et limiter la phytotoxicité, les applications sont à réaliser sur des cultures en bon état (indemnes de viroses, alimentées correctement en eau et azote) et, si possible, dans des conditions climatiques favorables : temps poussant, lumineux et sans forte amplitude thermique (écarts inférieurs à 15 -20°C). Il est nécessaire de tenir compte des conditions climatiques le jour de l’application mais aussi durant les 3 à 5 jours suivants le traitement.